Une vrille exotique
Auteur : Denis Turina Je le questionne. Il connaît bien cette possibilité de monter
plus haut, mais il me dit que d’habitude il part de l’altitude à laquelle
il s’est arrêté. Je place un petit couplet sur le bien fondé de la dérogation
d’altitude « spéciale vrille ». Il monte de 2.000 pieds. Je
me promets de vérifier ses dires auprès de son moniteur. C’est parti, comme dans le livre. Un tour, deux tours,… trois
tours. Les commandes bougent dans le désordre et, dans les écouteurs,
j’entends la respiration de l’élève qui s’accélère. Dans la glace avant
et dans le périscope de la place arrière, la vitesse de rotation de
la route qui mène à Aix en Provence s’accélère elle aussi. Quatre tours. Je demande d’un air que je veux détaché :
« Vous avez des problèmes ? » - Oui, l’ergot de la sensibilité artificielle est coincé
dans ma combinaison de vol. Le manche est bloqué. Je ne peux pas le
déplacer vers l’avant. Nous sommes maintenant deux à respirer très vite. Nous arrivons
vers 11.000 pieds (3.300 mètres), la vitesse de rotation est forte.
Je lui dis : - A moi les commandes. Lâchez tout et soyez très souple
sur votre jambe qui bloque le manche. Un tour et demi plus tard l’avion est sorti de vrille. La ressource
est classique, l’élève et moi-même reprenons un rythme de respiration
normal. Il libère le manche et sa combinaison. « Que décider ? » Retourner à la base et le sanctionner d’une fiche rouge ? Lui donner une deuxième chance, au risque d’être injuste pour
lui (cet incident l’aura certainement stressé pour la suite du vol),
injuste aussi pour les autres, qui engagent une vrille et en sortent
sans problème ? Le vol s’était bien passé jusque là. L’élève me paraissait sérieux
et il semblait bien réagir. Je décide de passer un marché avec lui. « On oublie ce
qui vient de se passer. Je garde les commandes et on remonte. Quand
on arrivera au plafond, si vous le souhaitez, vous reprendrez les commandes
et on refera une vrille avant de continuer le test. Sinon, on rentre
à la base maintenant et vous repasserez votre test plus tard ».
Marché conclu. Le test s’est poursuivi normalement. L’élève a fait du bon travail. Au débriefing, il m’a assuré que les poches de sa combinaison
étaient bien fermées. Je n’ai pas compris et pas trop cherché à comprendre
comment il avait réussi à coincer le manche dans sa combinaison. Il
a eu son test avec une note correcte. Est-ce juste ? Est-ce injuste ? Je n’en sais rien, mais je ne regrette rien.
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