Quatre-vingt
aprés - Hommage aux fusillés de la Nécropole nationale
de la Doua
Hommage au
Lieutenant-colonel Pierre COLIN
Allocutions
diverses
Par
Catherine Colin
Mesdames, Messieurs,
En cette année 2024, partout en France,
nous commémorerons le 80ème anniversaire de la libération.
Oui, c’est en 1944 que le territoire et le peuple français sont libérés
du joug allemand après 4 années d’occupation. Les célébrations débuteront
avec celle du débarquement en Normandie le 6 juin, puis le débarquement
en Provence le 15 aout, la libération de Paris le 25 aout, celle de
Montpellier le 30 aout, celle de Lyon et de Lille le 2 et 3 septembre,
et finalement celle de Strasbourg le 23 novembre. Dans notre mémoire
ces dates de 1944 expriment la joie, la liesse, les couleurs de la France,
la liberté retrouvée, et aussi l’espoir d’un monde meilleur...
Mais en célébrant ces évènements, nous
pouvons parfois oublier les 5 premiers mois de l’année 1944, ceux des
ténèbres et de la pénombre. Oui, au cours de ces premiers mois de l’année,
l’espoir d’un prochain débarquement des alliés est présent dans l’esprit
de chacun. Ainsi, dès le 25 décembre 1943, Pierre COLIN écrit depuis
sa cellule « L’année de la paix est en route j’espère ».
Mais, pour le moment c’est la privation de liberté, les arrestations
de résistants (les terroristes comme les nomment les autorités d’occupation
et le régime de Vichy), les jugements sommaires et les condamnations
à la déportation ou à la mort par fusillade, qui règlent le quotidien.
Par
Benoit Colin
Madame
la directrice de cabinet de la Préfète de région, représentant la Préfète
de région
Madame la directrice adjointe de l’Office
National des Anciens combattants et Victimes de Guerre du Rhône,
Monsieur le Conseiller délégué à la
sécurité, à la citoyenneté et aux achats, représentant le département
du Rhône,
Monsieur l’adjoint au maire de Villeurbanne,
Monsieur le premier adjoint au maire
de Beaubery,
Monsieur le Délégué Militaire Départemental
adjoint, Major de Garnison de la Place de Lyon et représentant du gouverneur
militaire de Lyon,
Monsieur le colonel chargé de mission
du Colonel commandant la base 942, et représentant du chef d’état-major
de l’Armée de l’Air et de l’Espace,
Madame le Consul honoraire du Grand-Duché
du Luxembourg,
Messieurs les officiers généraux, mesdames
et messieurs les officiers et sous-officiers des armées,
Mesdames et Messieurs les représentants
des associations et amicales
Mesdames et Messieurs les portes drapeaux
Chères familles, Chers amis
Regardez cette plaque : elle comporte
les noms de 79 hommes français fusillés en ce lieu auquel il faut ajouter
9 Luxembourgeois non cités sur la plaque, et deux autres probablement
fusillés ici. Nous rendons hommage aujourd’hui à ces 90 fusillés. Ici
même, 63 hommes ont été fusillés pendant la seule année 1944, au cours
de cette année que nous allons pourtant commémorer avec joie. Par leur
sang versé, ces hommes ont contribué à la libération. Nous sommes là
aujourd’hui, 80 ans après, pour ne jamais les oublier. Pour le seul
mois de février 1944, le mois le plus sanglant à La Doua,
37 hommes sont fusillés ici même... « Terrible mois de février
1944 ».
Qui étaient ces hommes que l’occupant
avait décidé de tuer parce que, EUX, avaient décidé de s’ENGAGER dans
la Résistance, de contredire les plans de l’occupant allemand, de refuser
de servir le régime servile de Vichy ? Qui étaient ces hommes épris
de liberté, engagés au prix de leur vie, pour que moins de 4 mois plus
tard, les rires, la joie, la liesse traversent le visage de milliers
de français accueillant les alliés et les combattants des Forces Françaises
libres, venus libérer notre territoire ? Qui étaient ces internés
de Montluc, ces résistants du Maquis de Beaubery, ces résistants isolés, ces hommes de l’Armée Secrète
de Montpellier, ces Luxembourgeois enrôlés de force dans l’armée allemande,
tous morts ici au pied de cette butte en février 1944 ?
Ces sacrifiés ne sont pas revenus pour
raconter ou écrire leur histoire, laissant un vide immense qui peut
conduire à l’oubli. Nous sommes là, réunis aujourd’hui, pour honorer
leur mémoire, parce que la Résistance ne se limite pas à quelques grandes
figures régulièrement honorées dans les cérémonies nationales et dans
les livres d’école. Ceux qui sont tombés ici, sans gloire, ceux que
le frère Benoit et ses équipes ont cherché pendant 18 mois avant de
retrouver leurs dépouilles, lâchement abandonnées sans sépulture, sont
aussi des HEROS de notre pays.
Afin que le message d’espoir et de paix
qu’ils nous ont laissé, soit transmis le plus largement possible aux
plus jeunes, nous sommes là, 4 générations réunies. Nous sommes ici,
parce que nous croyons fermement que ces moments de commémoration rappellent,
à tous ceux qui seraient tentés de régler leurs propres difficultés
par l’envahissement d’un pays voisin, par la dictature, par le sang
versé, par la vengeance systématique, par les condamnations arbitraires,
que cette voie est sans issue.
Au nom des familles présentes aujourd’hui,
je tiens à adresser nos remerciements à la République française qui
entretient cette nécropole, lieu de recueillement collectif mais aussi
familial pour ceux qui ont choisi, comme la famille COLIN et 11 autres
familles, de laisser ici la dépouille de leur aïeul fusillé en ce lieu.
Je vous remercie aussi, tous et toutes d’être venus si nombreux et parfois
de très loin, de Paris et de Saône-et-Loire, de Normandie et du Béarn,
du Var et de Lorraine, de l’Hérault et du Luxembourg. Je pense aussi
à ceux qui n’ont pas pu se joindre à nous aujourd’hui, trop éloignés,
aux Etats-Unis par exemple, ou dans la difficulté pour se déplacer.
Merci à tous.
Hommage
aux résistants de l’Armée secrète fusillés à la Doua
le 21 février 1944 dont le Lieutenant-colonel Pierre COLIN, par Pierre
COLIN son petit-fils.
Il y a 80 ans presque jour pour jour, ce 21 février
1944 en fin d’après-midi, trois résistants étaient exécutés ici pour
avoir choisi de s’engager à résister à l’ennemi. Louis MAUREL, ingénieur
des poudres, Maurice POPOUNEAU, sous-officier comptable de l’Armée de
l’Air et Pierre COLIN, officier navigant d’active de l’Armée de l’Air
tombaient sous les balles allemandes pour avoir été parmi les organisateurs
de l’Armée secrète de l’Hérault, Pierre COLIN en étant le chef départemental.
Ils étaient tous les trois impliqués dans la mise à l’abri vers les
maquis des Cévennes d’hommes traqués pour être envoyés travailler en
Allemagne ou pour être déportés parce que de confession juive. Et leur
activité ne s’arrêtait pas là : ils avaient aussi construit une
filière d’évasion vers le maquis de soldats luxembourgeois enrôlés de
force dans la Wehrmacht. Mais le 8 octobre 1943, un traitre s’était
glissé parmi ces Luxembourgeois, faisant tomber toute l’organisation,
conduisant 3 résistants français au poteau à la Doua,
accompagné de 11 soldats luxembourgeois, fusillés début février et mi-juin
1944. 3 autres hommes arrêtés le même jour dans cette affaire mourront
en déportation.
Pierre COLIN, né en Lorraine en 1900, d’une famille
alsacienne ayant quitté l’Alsace au moment de la guerre de 1870, s’engage
le jour de ses 18 ans pour participer aux derniers mois de la grande
guerre. Entré à Saint-Cyr en 1920 il choisit l’aviation à la sortie.
Après avoir combattu pendant la guerre du Rif, au Maroc en 1925, où
il est abattu à bord d’un Breguet 14, Pierre COLIN est affecté au 2ème
régiment d’aviation de chasse à Strasbourg. Il y commande une escadrille,
puis rejoint la 2ème escadre de chasse à Tours. En 1936,
la création de la 8ème escadre lui donne l’opportunité de
prendre le commandement du Groupe de chasse I/8 dont il sera le chef
jusqu’en 1941. Au cours des combats de mai et juin 1940, il mène ses
hommes au combat, perdant 8 pilotes mais remportant 40 victoires contre
les avions de la Luftwaffe en particulier avec les lieutenants THOLLON
et LAMAISON.
L’occupation de la France par les Allemands et la collaboration
mise en place par Vichy ne peut pas être envisagée par Pierre COLIN.
Dès 1941, il s’engage dans la collecte de renseignements sur le terrain
d’aviation de Montpellier-Fréjorgues. A l’automne 1942, il rejoint le
réseau de renseignement « Mithridate » qui transmet les renseignements
collectés à Londres. Début 1943, il rejoint l’Armée secrète et s’entoure
de fidèles pour préparer des troupes, en vue des combats qui se dérouleront
lorsque les alliés débarqueront pour venir libérer le pays.
Inquiété dès juillet 1943, il se cache et doit vivre
reclus à Montpellier, poursuivant inlassablement son travail d’organisation
grâce à ses fidèles Louis MAUREL, Maurice POPOUNEAU, Alphonse QUEMENER
et Erna OFMAN. Arrêté le 8 octobre 1943, il est interné avec ses compagnons
à la sinistre prison de la 32ème à Montpellier, subissant
les interrogatoires les plus insupportables avec courage. Comme ses
2 compagnons, il est condamné à mort le 17 janvier 1944, transféré à
la prison de Montluc à Lyon, où il passe un mois dans l’attente d’une
grâce qui ne viendra jamais. Pourtant, habituellement, les Allemands
déportent les officiers au lieu de les fusiller. Les accusations sont-elles
trop graves ? Pierre COLIN a-t-il été considéré comme un civil ?
Extrait de sa cellule, il est fusillé ici même le 21 février 1944 avec
ses deux compagnons de route. Il est le seul officier d’active de l’Armée
de l’air condamné à mort et fusillé au poteau d’exécution. Son corps
n’est retrouvé par les équipes du Frère Benoit,
à qui nous rendrons hommage ensuite, qu’en septembre 1945 !
Au moment de clôturer cet hommage, je voudrai ajouter
ce témoignage d’un ami officier de l’armée de l’air qui n’a pas
pu être présent aujourd’hui : « A la réflexion, contrairement
à Pierre COLIN, comme il devait être plus facile à nos aviateurs de
mourir dans le fracas d'une carlingue et dans un éclair de lumière.
Pour lui, après son long calvaire, la lumière, ce fut celle diffusée
lentement et pour longtemps dans sa dernière lettre à son frère Jean.
Par son humanisme, elle est toujours à méditer en ces temps troublés »
Dernière
lettre de Pierre COLIN à son frère Jean, écrite quelques instants avant
d’être fusillé ici même à La Doua, le 21 février 1944. Lecture par Vanessa et Vincent deux
de ses arrière-petits-enfants.
Lyon 21 février
Mon cher Jean, le pasteur vient de m'assister
: dans deux heures ma vie terrestre aura pris fin et que Dieu soit
loué de m'avoir fait sentir sa présence toutes ces dernières semaines.
Condamné à Montpellier le 17 janvier, j'ai été
transféré à Lyon en attendant la décision concernant une grâce et
celle de deux camarades. Cette grâce nous est refusée.
Soyez courageux et pleins d'espérance comme
je le suis et toi, mon cher frère, sois le messager auprès de ma chérie,
de mes fils, de Maman et de mes sœurs. Je pars en chrétien et en soldat,
confiant et serein. Qu'il soit pardonné à nos ennemis et que nos enfants
ne soient pas élevés dans la haine, qu'ils soient "toujours prêts"
à exécuter ou à subir les sentences de Dieu.
Adieu à tous. Je vous embrasse en Jésus Christ.
Pierre
Hommage
aux morts aviateurs, par le général Matthieu Pellissier, Président l’Association
du Mémorial des aviateurs
Madame
la directrice de cabinet de Mme la Préfète de la Région Auvergne-Rhône-Alpes,
Mesdames
et Messieurs les élus,
Madame
le Consul honoraire du Grand-Duché du Luxembourg,
Mesdames
et Messieurs les Présidents d’associations patriotiques
Mesdames
et Messieurs les porte-drapeaux,
Mesdames
et Messieurs qui êtes les descendants des fusillés de 1944
Mesdames,
Messieurs
Au
nom de l’association du Mémorial des aviateurs, je veux rendre hommage
aux aviateurs tombés ce 21 février 1944, le LCL Pierre Colin et l’adjudant-chef
Maurice Popouneau mais je viens aussi m’incliner
devant les 37 fusillés de ce « terrible mois de février 44 ».
Pensons
à eux en ces matins de février, à ces derniers moments terribles dans
le froid mordant, « tout
avait la couleur uniforme du givre » comme le dit Aragon. Ils
avaient dans leurs cœurs les images de ceux qu’ils aimaient, marchant
vers ce mur, encadrés par deux colonnes de soldats, écrasés par le sort
implacable mais trouvant, au dernier moment, face au peloton d’exécution,
la force de crier « Vive la France ! ».
Quel
exemple pour nous tous ! Leur sacrifice nous a libérés, il a sauvé
la France mais aussi nous guide aujourd’hui.
L’association
du Mémorial des aviateurs que je représente s’associe pleinement à cette
poignante commémoration.
Le
Mémorial des aviateurs c’est deux choses : tout d’abord un monument
devant le Musée de l’air et de l’espace du Bourget, érigé en l’honneur
des aviateurs tombés dans l’accomplissement de leur mission, plus de
14 000 depuis les débuts de l’aviation et pour la seule seconde
guerre mondiale 1260 aviateurs morts en mission, mais le Mémorial c’est
aussi une borne mémorielle au sein même du musée, borne interactive
qui est associée à une base de donnée que notre association enrichit
en faisant des recherches historiques.
L’un
des piliers de notre association est Benoit Colin, ici présent, qui
est le petit fils de Pierre Colin tombé ici le 21 février 44. Je tiens
à signaler ce lien car il illustre la double finalité du Mémorial des
aviateurs qui est aussi celle de nombreuses associations patriotiques.
C’est à dire tout à la fois l’hommage aux disparus, le devoir de mémoire
mais aussi le soutien aux familles et la perpétuation du souvenir familial.
Notre borne mémorielle s’inscrit dans cette logique car elle permet
à toute famille d’aviateur disparu de consulter toutes les informations
que nous avons pu collecter sur leur parent. Au sein de chaque famille
entretenir la mémoire est un devoir. Le Mémorial s’engage ainsi à aider
les familles.
Merci
à tous ceux qui ont organisé cette belle cérémonie qui nous permet d’entendre
encore résonner le dernier cri des 37 fusillés : « Vive la
France !»
Je
vous remercie.
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