@ Sirpa Air : Air Actualités n° 451 (avril 1992) Auteur Lcl Henri Guyot


La 2e escadre de chasse : les chemins de la renommée

Dans le prolongement du reportage de la 2e escadre de chasse, Air Actualités vous retrace l’historique de cette unité, l’une des plus anciennes et des plus prestigieuses de l’aviation militaire et de l’Armée de l’air. Deuxième par tradition, elle a eu la vocation d’être toujours la première en matière d’innovation. 

C’est au début de la Grande Guerre, en avril 1916, que trois escadrilles, la Spad 3 (SPA 3), les Nieuport 65 et 103 (N 65 et N 103) forment sous les ordres du capitaine Brocard le groupement des escadrilles de combat de la Somme pendant la célébre bataille du même nom.

A la création de la division aérienne le 1er mai 1918, instaurée par le colonel Charles Duval, naît l’escadre de chasse n° 2 au sein du groupement Féquant qui réunit les groupes de chasse GC 13 (SPA 15, 65, 84, 88), GC 17 (SPA 77, 89, 91, 100, HD 174) et GC 20 (SPA 68, 99, 158, 159, 162). Le sigle HD désigne les escadrilles dotées des appareils Henriot Dupont. La SPA 57 appartient au GC 11 qui s’inscrit dans les formations de réserve générale.


En février 1919, dans le cadre de l’occupation de la Rhénanie, le commandant Brocard prend le commandement de cette escadre n° 2 qui englobe également à cette date le célébre groupe des « Cigognes », le GC 12 (SPA 3, 26, 67, 103, 167). L’escadre de combat n° 2 devient en mai 1919 le groupement de chasse n° 2 constitué de trois groupes à trois escadrilles : le GC 12 à Spire, le GC 13 à Germersheim et le GC 17 à Darmstadt.

Le 2e RAC à Strasbourg 

Le 28 octobre 1919, quelque deux cents avions de chasse venant d’Allemagne se posent à Strasbourg-Neudorf et le 1er janvier 1920, le 2e régiment d’aviation de chasse (2e RAC) est constitué sur ce même terrain. (fig l - page 40) :

 

Sa flotte, à l’époque, se compose de Spad types VII, XIII et XX biplaces. Le renom des dix escadrilles de ce régiment se traduit simplement par l’empreinte de quelques noms de grandes figures de l’aviation militaire : Guynemer, Deullin, Dorme, de la Tour, Heurtaux pour la SPA 3 Chaput et Noguès pour la 57, Nungesser pour la 65 et Fonck pour la 103.
En 1924, les SPA 15 et 77 sont intégrés au sein du groupe de chasse du nouveau 32e régiment d’aviation mixte mis sur pied à Dijon. Les Nieuport Delage 29 relèvent les vieux Spad du 2e RAC.
En 1928, le régiment est doté de Blériot Spad 81 qui seront remplacés, un an après, par les Nieuport 62 et 622.
Le 13 septembre 1933, le 2e RAC quitte Strasbourg suite à sa dissolution. Dès lors est créée à Tours la 2e escadre de chasse avec comme premier groupe les SPA 3 et 103, comme deuxième groupe les SPA 65 et 57. Pour les autres escadrilles du 2e RAC, les SPA 26 et 124 formeront, quelque temps plus tard, le 2e groupe de la 6e escadre de chasse à Reims. La SPA 84 constituera, quant à elle, la première escadrille du groupe autonome d’Afrique (GAA) à Bizerte Sidi Ahmed. Seule la HD 174 sera définitivement dissoute le 13 décembre 1933.
Le jour de Noël 1936, la 2e escadre, devenue 2e escadre d’aviation légère de défense, quitte Tours pour Chartres et s’inscrit à la 21e brigade du deuxième corps aérien du même nom. En début 1937, elle troque ses Nieuport 62 pour des Dewoitine 500. 

113 victoires à la gloire de la « 2 » 

En 1939, le conflit est imminent l’escadre se transforme de toute urgence en avril sur Morane Saulnier 406 (MS 406) et, le 1er mai, son troisième groupe est créé avec les escadrilles SPA 83 et SPA 100. A la fin du mois d’août, les trois groupes I/2, II/2 et III/3, devenus autonomes, rejoignent leurs théâtres d’opération respectifs : Beauvais-Tillé, Clermont les-Fermes et Cambrai-Niergnies l’escadre est dissoute. Le palmarès de victoires, 28 pour le groupe I/2, 39 pour le II/2 et 46 pour le III/2, ne change en rien l’issue tragique de la bataille de France. A la suite de l’Armistice, les deux premiers groupes sont dissous le 20 août à Nîmes-Courbessac. Le III/2, transformé sur Marcel Bloch MB 152 au début du mois de juin et ayant franchi la Méditerranée, subit le même sort cinq jours plus tard, le 25 août, à Oran la Sénia.
Le groupe de chasse I/2 (SPA 3 SPA 103) est reconstitué, le 1er juillet 1941, sur Dewoitine 520 à Châteauroux et son transfert en Afrique du Nord n’intervient que le 10 novembre 1942, soit au moment du débarquement allié. Successivement stationné à Bizerte Sidi Ahmed, à Fès, puis à Meknès, le groupe rejoint la RAF et l’Ecosse en janvier 1944. Sous la dénomination de Squadron 329, il reprend le combat sur Spitfire le 3 mars jusqu’à la victoire finale. Les « Cigognes » opèrent ainsi au sein du 145e Wing aux côtés de « l’Alsace », premier groupe FAFL, créé le premier septembre 1943.
Après la guerre, les groupes du 145e Wing forment à Friedrichshafen, en novembre 1945, la 2e escadre de chasse qui, très momentanément, comprend cinq groupes : les GC I/2   Cigognes » (SPA 3), II/2 « Alsace », III/2 « Berry » (SPA 103) et IV/2 « Ile-de-France ». Le II/18 « Saintonge » se retrouve, de surcroît, provisoirement rattaché à l’escadre.
En avril 1946, la 2e escadre se réduit à deux groupes. Le « Berry » qui avait repris le fanion et les traditions. de la SPA 103 disparaît en tant que groupe et redevient alors la 2e escadrille du GC I/2 « Cigognes ». Les pilotes du groupe IV/2 « Ile-de-France » se répartissent dans les deux groupes restants, les traditions et le fanion de cette unité étant repris un peu plus tard par le groupe II/5 basé à la Reghaia. Quant au II/18 « Saintonge », il est dissous.
La 2e escadre de chasse composée donc des GC « Cigognes » et « Alsace », participe ensuite sur Spitfire aux opérations en Indochine de l’été 1946 à la mi-septembre 1947. La croix de guerre TOE (théâtres d’opérations extérieures) concrétise l’action menée en Extrême-Orient par cette escadre. Il est à noter que durant cette campagne, le I/3 « Corse » sur Mosquito est rattaché momentanément à la 2e escadre. 


SPA 3

SPA 103

SPA 65

SPA 57

Toujours première 

Début 1948, les groupes I/2 et II/2 regagnent à nouveau Friedrichshafen puis Coblence où ils s’équipent de P47D Thunderbolt.
Première escadre de chasse a être transformée sur avions à réaction, les de Havilland Vampire FB5, la « 2 » s’installe à Dijon et défile au-dessus de Paris le 14 juillet 1949.
Réorganisée en octobre 1949, l’escadre passe de deux groupes à quatre escadrons (à deux escadrilles) les escadrons de chasse EC 1/2 « Cigognes » (SPA 3 et SPA 103), EC 2/2 « Alsace » (Mulhouse et Strasbourg), EC 3/2 « Côte d’Or » (SPA 31 et SPA 94), EC 4/2 « Coq Gaulois » (SPA 48 et SPA 62).
Période faste pour le renom de la 2e escadre. Le 1er mai 1950, au cours du meeting national de Villacoublay, le commandant Le Groignec effectue la première démonstration française sur avion à réaction. Le 7 mai à Chalon-sur-Saône apparaît « sur jets » la première patrouille acrobatique aux cocardes tricolores à sept avions, sous les ordres du commandant Gabriel Gauthier
. Enfin, le 11 juin 1950, au meeting national d’Orly, c’est l’apothéose avec la présence de 24 Vampire de la « 2 » en patrouille serrée.
L’EC 4/2 est dissous le 1er octobre 1950. A cette date, le « Côte d’Or » reprend les traditions et les fanions des SPA 65 «  Chimère d’Argent «   et SPA 57 " Mouette «  de l’ancien groupe de chasse II/2, et devient l’EC 2/2 « Côte d’Or » tandis que l’»Alsace » devient EC 3/2.
Les Ouragan (MD 450) premiers avions de combat à réaction français, remplacent les Vampire en août 1953. Trois ans plus tard, l’escadre reçoit les Mystère IV A, premiers avions de chasse supersoniques français.

Au début de l’année 1956, les opérations de maintien de l’ordre en Algérie amènent la création d’escadrilles d’aviation légère d’appui (EALA). La 2e escadre en parraine deux les EALA 1/72 et 8/72. 1956, c’est aussi l’année de la campagne de Suez à laquelle participe la 2e escadre.
En octobre 1957, l’EC 2/2 « Côte d’Or » est dissous. Les escadrilles parrainées d’Algérie, équipées de T6 G, fusionnent en 1959 pour former l’escadron d’aviation légère d’appui 2/2 qui opérera jusqu’en 1962. 

Renaissance du « Côte d’Or »

Depuis 1957, la 2e escadre a aussi l’honneur de mettre en oeuvre la Patrouille de France. Elle le fait jusqu’en 1962 et évoluera jusqu’à une formation de douze Mystère IV A. Autre grande première pour la 2e escadre l’arrivée des Mirage III C, avions de chasse bisoniques. C’est en effet l’EC 1/2 qui inaugure le 7 juillet 1961 l’ère de ce fabuleux appareil et celui du « delta » pour l’Armée de l’air.
Recréé en avril 1965, le « Côte d’Or » reprend naturellement les traditions des escadrilles SPA 65 et SPA 57. Un an après, devenu escadron de chasse et de transformation (ECT) et ayant pour mission d’instruire tous les futurs pilotes de Mirage III, il reçoit des Mirage III B.
Deux ans plus tard, en 1968, la 2e escadre débute sa transformation sur Mirage III E, l’escadron de chasse 3/2 « Alsace » précédant le 1/2 « Cigognes ».
C’est en octobre 1972 qu’est décidée la création d’une troisième escadrille au sein du « Côte d’Or », celle-ci reprend les traditions de la SPA 94 « La mort qui fauche » (voir encadré). En 1974, l’ECT 2/2 reçoit la médaille de l’aéronautique.
Première unité sur Mirage 2000 C de défense aérienne, le 2 juillet 1984, pour le jubilé de l’Armée de l’air, la 2e escadre de chasse, totalement équipée de ces intercepteurs depuis le 27 juin 1986, demeure le reflet de cette jeune armée, de sa modernité, mais aussi de ses traditions déjà bien établies. Les escadrilles de deux de ses escadrons ont été créées au tout début de l’aviation militaire. La SPA 3 « Cigogne de Guynemer » fêtera ainsi son quatre­vingtième anniversaire en juillet prochain. Son 3e escadron, quant à lui, restera le premier groupe de chasse des Forces aériennes françaises libres.

Lieutenant-colonel Henri Guyot

 

SPA 94 La Mort qui fauche 

1972.

Créée le 1er juin 1917 sur le terrain de Melette près de Chalons-sur-Marne, la N94 échange ses Nieuport contre des Spad en février 1918, et dans le cadre de la division aérienne, au sein de l’escadre n° 1 du groupement Ménard, elle s’intègre au sein du GC 18. A la fin de la guerre, la SPA 94 a remporté 40 victoires et est décorée de la croix de guerre. 6e escadrille du premier RAC de Thionville, le 1er janvier 1920, elle est rattachée le 1er juin 1924 comme 7e escadrille du groupe de chasse du 34e régiment d’aviation mixte (34e RAM) du Bourget nouvellement réorganisé. Le 1er juillet 1932, sur la BA 104 du Bourget, elle devient la troisième escadrille du 2e groupe de la 1e escadre de chasse. Elle est alors équipée de Nieuport 62.

La 1ère escadre stationne à Villacoublay en décembre 1934 puis à Etampes. Equipée de Dewoitine 510 à la déclaration de la guerre, le groupe de chasse II/1 effectuera la bataille de France sur MB 152. Ce groupe sur Dewoitine 520 sera dissous au Luc le 1er décembre 1942. La SPA 94 réapparaît une année tout juste, du 1er octobre 1949 au 1er octobre 1950 au sein de l’EC 3/2 « Côte d’Or» puis ensuite de façon plus durable à l’EC 2/1 « Morvan » d’août 1952 au 28 février 1966 à Saint-Dizier où elle évolue sur F84 G Thunderjet et F84 F Thunderstrike. Elle appartient maintenant à l’EC 2/2 « Côte d’Or » depuis le 6 octobre