Capitaine François de Labouchère

18/09/1917 - 05/09/1942

Squadron 85
Squadron 242

Squadron 340
Île-de-France


(Source : documentation et illustrations du dossier de presse fourni à l'Armée de l'air à l'occasion de l'inauguration du Stade de Labouchère, à Paris - Texte extrait de l'allocution prononcée le 13 mars 1991 parle Général d'Armée Jean Simon, Chancelier de l'Ordre de la Libération.)


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"Dans la chasse, on revient vainqueur ou l'on ne revient pas".

Le 5 septembre 1942, comme pour justifier ses propos, le Capitaine François de Labouchère n'est pas revenu. Il rejoignait ainsi son meilleur ami, Emile Fayolle, son frère d'armes abattu le 19 août, lors de l'opération menée sur Dieppe. Fayolle, qu'il avait retrouvé à Londres, inspiré par la même foi et la même détermination.

François de Labouchère, de vieille souche protestante, fils de parents exemplaires, fut élevé avec ses quatre frères et sœurs dans une famille où le service de la Patrie constituait une impérieuse obligation.

Né le 18 septembre 1917 au Château d'Hauterive dans l'Ain, il était le fils d'un officier d'une grande valeur et d'une mère qu'il adorait.

Un de ses amis, François de Geoffre, héros de Normandie-Niemen, le décrit ainsi, lorsqu'il avait 17 ans, dans son livre "Du collège de l'Escadrille".

"C'est au pied de l'Aiguille Verte, à 2.500 mètres d'altitude au-dessus de Chamonix que je le rencontrai pour la première fois."Il était grand, fort athlétique, le teint mat, sa chevelure était d'un noir de jais. Il se dégageait de lui une extraordinaire force de volonté, une volonté farouche, qui ne reculait devant rien, une fierté singulière (qui n'excluait pourtant ni l'affection, ni la camaraderie). Tout respirait la maîtrise de lui-même. Il possédait ce je ne sais quoi que les Anglais appellent le "Breeding."

Une même passion unissait alors François de Labouchère et son camarade ; toute leur formation physique, intellectuelle et morale était basée sur leur volonté de devenir pilote.

François de Labouchère fut ainsi un des premiers brevetés de l'Aviation populaire ; il obtient également le brevet d'acrobatie et entre en préparation de l'Ecole de l'Air, à Janson de Sailly. Il achète, grâce à la générosité de sa marraine, et en compagnie de François de Geoffre, un petit avion à coefficient acrobatique "Comper Swift", qu'ils revendront à l'approche de la guerre en 1939.

La guerre éclate et tandis que son père, officier d'active, part avec son unité, François trouvant enfin l'occasion de donner toute sa mesure, renonce aux Officiers de Réserve et s'engage dans l'Armée de l'Air.

Elève-pilote à Avord ; lors du bombardement de mai 1940, son école de chasse se replie sur Mont-de-Marsan.

Lorsqu'il apprend la demande d'Armistice, il écrit dans son journal : "La difficulté était devenue non pas de faire son devoir, mais d'abord de le discerner. J'ai un peu attendu, j'ai réfléchi... J'avais deux solutions : soit rentrer en France non occupée et vivre probablement heureux, mais sans fierté, un peu dégoûté de moi-même, ou au contraire continuer à me battre et non malheureux, mais fier". D'instinct il a pris sa décision ; il y avait son devoir, tout droit, tout net.

La mort de son père, le Chef d'Escadron Labouchère, tué en juin 1940 dans la Somme à la tête de ses hommes, ne fait que renforcer sa détermination. Il s'en va donc trouver le Commandant de l'Ecole et sollicite l'autorisation de gagner l'Angleterre à bord d'un appareil, qu'il va falloir bientôt abandonner ou détruire.

L'autorisation est refusée et Labouchère, la rage au cœur, est dirigé par bateau sur le Maroc.

Ayant réalisé que l'Empire ne continuerait pas le combat, il n'y tient plus et, déguisé en soldat polonais, il embarque à bord d'un transport de troupes "l'ANADYR", qui le conduit à Greenock, en Ecosse.

A Londres, avec son camarade Emile Fayolle, il suit les stages nécessaires à leur passage en escadrille. Ils sont d'abord affectés dans la Royal Air Force, au Squadron 85 de Peter Townsend. Ils prennent ainsi part à la Bataille d'Angleterre dès septembre 1940, menant la dure vie des chasseurs de nuit au-dessus de Londres.



Octobre 1940. Le moral est meilleur que jamais : la Bataille d'Angleterre est gagnée. Au centre, P. Townsend avec une canne (il a été blessé au pied). Derrière lui, à gauche, le capitaine Fayolle, et à droite (portant un casque) le capitaine de La Bouchère, tous deux récemment affectés à l'escadron. (© Imperial/War Museum-Londres.)

  Ils seront ainsi de ceux dont Winston Churchill devait déclarer que "jamais dans aucune bataille un si grand nombre de gens n'ont tant dû à un si petit nombre de combattants".

Promu Sous-Lieutenant le 25 septembre, Labouchère intercepte un "Dornier 17" le 13 novembre, et rejoint ensuite avec Fayolle le 242ème Squadron.

Il échappe miraculeusement à la mort au cours d'un exercice en vol du groupe. Son appareil étant endommagé, il sauta si près du sol que le parachute n'est pas ouvert complètement lorsqu'il prend contact avec le sol.

Le 25 juin 1941, il abat son premier avion, un "Messerschmitt 109". La bataille aérienne fait rage, les pertes sont importantes. A chaque sortie, 8 % des pilotes sont abattus, théoriquement un pilote ne peut faire ainsi que douze sorties.

Basé à Manston, le Squadron 242 reçoit pour mission d'interdire aux convois maritimes l'entrée du Pas-de-Calais.

Il s'agit de voler au ras des vagues pour attaquer les cargos allemands et les barges. Ces missions anti-shipping deviennent rapidement très meurtrières : sur une section de trois bombardiers, le plus souvent, il n'en revenait qu'un. Quant aux chasseurs d'escorte chargés du mitraillage à bout portant, c'est un appareil sur trois qui tombe dans la Manche. Comme l'écrit le Colonel Dupérier : "Rien ne restera d'eux qu'un remous sur la mer et la large tache d'huile qui fait calmer les flots, comme pour se recueillir devant l'éternité qui a commencé là".


Ci-dessus : Aoùt 1941, au Squadron 242. Debout : P/O Kee, Sn de Labouchère, P/O Williamson, P/O Andrews, Fft Grassick. De gauche à droite, assis : Cne Dupérier, Lt de V. de Scitivaux, Sq. Ldr. Wells, ....

Labouchère multiplie les actions d'éclat; le jour de ses 24 ans, il abat un "Messerschmitt 109" et en endommage deux autres.

Chaque sortie voit disparaître quelques-uns de ses camarades, et, très vite, le groupe s'épuise. Le commandement décide de l'envoyer au repos.

Labouchère, qui est toujours volontaire pour les missions les plus dangereuses, a vraiment besoin de se reposer. Mais il faut laisser à Manston des pilotes très expérimentés pour former les nouveaux arrivés.

L'ensemble des pilotes français demandent la faveur de rester en opérations et Labouchère reprend la ronde mortelle des avions au-dessus de l'eau grise parmi les gerbes des balles traçantes.

Une nouvelle citation, à l'Ordre des Forces Aériennes Françaises Libres, ajoute une troisième palme à sa Croix de Guerre.

Dans le plus grand secret, Dupérier, Labouchère et Mouchotte font le projet de survoler Paris le 11 novembre de l'Etoile au Louvre en laissant derrière leurs avions de longs rubans de fumée tricolore.

Ils décident à cette occasion de s'habiller en tenue bleue française avec toutes leurs décorations et leurs insignes, de façon à ce que, s'ils sont abattus, ceux qui trouveront leurs corps sachent qu'ils étaient des Français.

Tout semble marcher pour le mieux, mais au dernier moment, et à leur grande déception, sur ordre de Churchill lui-même, ils doivent renoncer à leur équipée.

C'est par contre avec joie que François de Labouchère rejoint, en novembre 1941, le premier groupe de chasse Français en formation en Ecosse, le groupe "Ile France", qui, rassemblant cinquante pilotes, en perdra trente par la suite.

Décoré pour ses nouvelles prouesses de la D.F.C. (Distinguished Flying Cross) britannique, le Capitaine de Labouchère peut relire avec fierté son journal de marche de 1940 dédié à sa mère : "Je vous jure, maman, qui avez dû tant souffrir, que je serai digne de papa et que je le vengerai."

Le commandement qu'il exerce au Groupe "Ile de France" sera pourtant la période la plus exaltante de sa vie. Le 19 août 1942, il participe à l'Opération de Dieppe conduisant brillamment son unité au combat au cours de trois sorties, réussissant abattre un bombardier ennemi, puis à en endommager deux autres.

Mais, hélas, il apprend le soir du même jour la disparition, à l'aube, de François Fayolle, son meilleur ami. Il ne sait pas qu'il ne lui reste, à lui-même, que quinze jours à vivre.

Le 5 septembre, il livre son dernier combat au-dessus de la Baie de Somme, non loin de l'endroit où son père avait été mortellement blessé. Un groupe de 50 "Focke Wulf" s'abat comme la foudre sur l'Escadrille « Versailles », dont il était le chef.

Ce fut immédiatement une mêlée effroyable, dont l'escadrille n'aurait pu se sortir si le Groupe 122 n'était pas arrivé en renfort. En un clin d'œil les FW 190 disparurent, mais entre temps François de Labouchère avait été abattu.

Conclusion

C'est ainsi que disparut François de Labouchère, sans qu'il soit possible d'exaucer son vœu suprême : "En cas d'accident, je demande à être inhumé, ou ce qu'il restera de moi, s'il en reste".

François de Labouchère restera pour nous une des pures et plus attachantes figures de la France Libre.

Pour reconnaitre ses mérites exceptionnels au service de notre pays, le Général de Gaulle lui décerna en date du 5 janvier 1943, la Croix de la Libération ; distinction pour laquelle il avait été proposé de son vivant.

La Citation à l'Ordre de la Nation accompagnant l'attribution de la Croix de la Libération, porte :

  "Pilote de chasse de grande classe, plein d'enthousiasme et de fougue, commandant d'escadrille au groupe de chasse "Ile de France", possède à son actif 4 appareils ennemis détruits, 4 endommagés, 25 bateaux coulés, 6 navires mis en feu - compte 277 heures de vol en opération, a participé à 85 opérations offensives contre la navigation ennemie ou au-dessus des territoires occupés par l'ennemi."


Le Capitaine de Labouchère a été également décoré de la Légion d'Honneur à titre posthume, de la Croix de Guerre avec 6 palmes, de la 'Distinguished Flying Cross', de la Rosette de la Résistance et de la Médaille d'Or de l'Aéronautique.


Le Général de GAULLE inspectant le Groupe "Ile de France"
A demi caché : le Lieutenant Fayolle, le petit-fils du Maréchal
Le Lieutenant de Labouchère de dos
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Ci-dessus : "Scramble" - île de France" - Ayr - 1942 : Alerte, les pilotes courent vers leurs "Spitfire". Sur ce dossier de presse, ainsi sont identifiés les pilotes.


Le Capitaine François de Labouchère devant le Spitfire "EN 908". : Tué, le 5 septembre 1942, le jour où il avait oublié sa mascotte.


Participation française à la Bataille d'Angleterre

 

Affectation pendant la Bataille d'Angleterre

Mort au combat

Grade au moment de la mort

René Mouchotte

RAF-SE-OTU, Sutton Bridge le 25-8-40 Squadron 247

27-8-1943

Commandant.

Henri Lafont

RAF-SE-OTU, Sutton Bridge le 25-8-40 Squadron 247 et 615

 

Quitte l’Armée de l’air en juillet 1966 avec le grade de colonel

(date de décès 2/12/2011)

Henri Bouquillard

Squadrons 249 et 615

11-3-1941

Sous-Lieutenant

Emile Fayolle

Squadrons 85, 249 et 615

19-8-1942

Commandant

François de Labouchère

Squadrons 85, 242 et 340

5-9-1942

Capitaine

Charles Guérin

RAF-SE-OTU, Sutton Bridge le 25-8-40. Squadron 247 et 615

3-5-1941

Sous-Lieutenant

Yves Brière

Squadron 615

15-3-1941

?

de Montbron

F.A.F.L.

 

Commandant

Georges Perrin

Squadrons 249 et 615

 

Capitaine de réserve

Maurice Choron

 

10-4-1942

Lieutenant

Cette liste, communiquée  en 1992 par le service historique de l'Armée de l'air, établie à l'aide de témoignages d'anciens des F. A. F. L., peut être incomplète (actualisée)




(Source : dossier de presse)
"PARIS SE SOUVIENT"
Le 13 mars 1991, le nom du capitaine François de Labouchère, commandant d'escadrille au groupe de chasse « Île de France » mort au champ d'honneur le 5 septembre 1942 a été donné au Gymnase Club situé boulevard Flandrin (installation sportive concédée par la Ville de Paris).
A cette date, a été dévoilée, devant le 92, boulevard Flandrin, une plaque à sa mémoire en présence de Jacques Chirac, Maire de Paris, du Général Simon, Chancelier de l'Ordre Io Libération, de Pierre-Christian Taittinger, ancien ministre, Sénateur-Maire du XVIe arrondissement, de Solange Marchal, Conseiller de Paris (soeur de François de Labouchère), ....