12/12/1917 - 21/07/1944
Né le 10 Décembre
1917 à Saint Jean en Royans (Drôme),
breveté pilote civil dans le cadre de l'aviation populaire à Romans,
brevet de pilote militaire n°26350 obtenu le 25 juillet 1938 à
l'école d'Ambérieu,
nommé sergent le 16 novembre 1938
Après un stage de spécialisation "chasse" à Istres,
il est affecté à la 7ème Escadre de chasse à Dijon en août 1939 au GC
II/7 à la 3ème escadrille SPA 73.
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Ce cahier a été fait à Sidi-Ahmed notre refuge après
la grande défaite, pour occuper nos loisirs trop nombreux hélas, du
fait de la réduction au minimum des heures de vol et des missions aériennes. C'est un
recueil que je forme ici, exclusivement personnel, de notes jetées au
hasard pendant et après la guerre, et de souvenirs réveillés par le
journal de marche de l'Escadrille. Mes opinions et mes points de vue
risqueront d'être considérés dans un sens trop personnel mais n'oublions
pas qu'il s'agit non pas de l'histoire d'une escadrille mais du recueil
des souvenirs d'un pilote.
Le départ
de Dijon du Groupe de Chasse II/7. eut
lieu après une journée d'attente le 27 août 1940, vers 18 heures, au
moment ou chacun s'apprêtait à rejoindre ses pénates. J'avais en tout
et pour tout deux heures de Morane 406, avion qui
était merveilleux pour l'époque. C'était la première fois que je devais
faire du vol de patrouille et c'est tout juste si au cours du voyage
je n'ai pas perdu le chef de patrouille et l'autre équipier. Je n'ai
évidement pas eu le temps de regarder et d'admirer les patelins survolés. C'est dans
une grange que l'on passa la première nuit à Luxeuil,
au grand émoi du propriétaire qui ne voulait rien savoir, L'Escadrille
était ainsi formée: Pilotes, Cne Papin,
S/Lt Gauthier Gabriel, S/Lt Gauthier Jack, S/Lt
Gruyelle,
Adc Valentin, et les Sgt de Fraville,
Doudiès,
Haberkorn,
Martin, Sonntag,
Grimaud et Passemard
,
plus deux réservistes, les Sgt Lamblin et
Panhard. Mécaniciens: Adj Gosset, Sgc Juste,
Sgc Coignet, Sgt Froideveau,
Berthier, Terrier, Saenger; Pengam,
Bouchard, Chovet, de Surmain,
Marque, Cardot, Brasset,
Veyrinc,
Filliot,
Valentat. On devait toucher presque aussitôt le Sgc Longuesserre
dit "Toto", le petit rigolo de la bande. Comme je sortais
d'école je fus touché tout de suite par l'amitié et la bonne camaraderie
qui liaient officiers à sous-officiers et pilotes à Mécanos. Ceci éloigna le cafard que devait créer ce départ précipité.
Déjà on sentait la guerre proche mais on espérait encore que cette sortie
se terminerait comme les "guerres" de septembre 38 et avril
39, ça devenait presque une habitude. Mais le
2 septembre on apprit que la guerre était déclarée, les Allemands étaient
rentrés en Pologne et dès le 3 au matin nous étions en position d'alerte;
grosse émotion mais nos soucis immédiats vont à notre installation sous
la tente. Vu la chaleur torride, les matelas pneumatiques rendent
de bons et loyaux services ; de temps en temps un dégonflage intempestif
fait hurler le dormeur qui cherche vainement le coupable. Le Cne Papin emmène une patrouille double sur la ligne de feu
(Forbach) les Boches arrivent à 10, quelques minutes après leur départ
le Ltt Gruyelle arrive en renfort,
mais toujours pas de Boches. Les missions se multiplient mais pour les
jeunes, toujours rien à faire, notre activité est limitée à l'entraînement
et aussi à des distractions comme la garde et le service de jour, ah,
ces nuits dans le "Béconnard" (?)! Cette attente est énervante au
possible, je sais bien que Passemard et moi
n'avons pas assez d'expérience mais je languis de sortir de cette impasse
car je sens que j'aurai bientôt honte à ne pas faire le même travail
que les autres. Le 7 septembre,
le Cne Papin et le Ltt
Gauthier prennent leur baptême d'autogire, le capitaine estime que trente
minutes lui suffisent "on n'est pas tranquille dans cet outil !"
Nous sommes en guerre, nous ne réalisons pas, j'ai essayé d'analyser
les sentiments qu'on éprouve devant une pareille chose, c'est très compliqué,
on craint surtout pour ceux qu'on aime et qu'on laisse en arrière. Je
pense que le pauvre type, seul dans la vie, sans parents, sans famille,
doit se trouver heureux à ce moment-là de sentir que tout ce qui peut
lui arriver de fâcheux ne sera fâcheux que pour lui-même. Sonntag, faisant partie d'une patrouille de couverture perd
la patrouille, se perd lui même et se pose, après une heure de recherches,
comme un aigle dans une prairie à 10 Km du terrain! Il paiera à boire. Coup dur
à l'Escadrille, le Ltt Gauthier Jack se tue
en Potez 63
près de Velaine avec l'Adj Grosset et le Sgt
Paratilla de la 4.
Il laisse un grand vide parmi nous où il avait su se faire aimer de
tous, la veille au soir, encore il creusait avec moi des abris pour
le personnel de l'escadrille et devisait joyeusement en faisant des
projets d'avenir. Jusqu'à
ce jour 18 septembre je me suis entraîné sur 406,
mais aujourd'hui, grosse émotion je suis considéré comme un vrai pilote,
la preuve que je fais partie de la patrouille d'alerte. Ah, si l'on
pouvait décoller ! La chance me favorise car on demande une patrouille
en couverture du terrain, je suis heureux au possible et tremble d'émotion.
La première mission de guerre est pour un pilote une date importante,
mais dès que je suis en l'air toute émo ...(?)
Depuis quelques
jours Passemard et moi logeons chez Mme Boufford une brave dame dont le bon coeur
nous laissera le meilleur souvenir. Il pleut, il pleut, il pleut. C'est
triste et toujours pas de lettres. A quand la prochaine mission ? La
deuxième que je devais faire ne devait pas se terminer aussi bien que
la précédente. Le compte rendu, d'après Passemard
porte en date du 25 septembre : "Le Sgt Grimaud quitte réglementairement
le 53 ne désirant pas finir comme Jeanne d'Arc". En voici d'ailleurs
le récit. A midi décolle
la patrouille Longuessere, Sonntag et Grimaud. Couverture à priori altitude 6.000 m. La mission débute
normalement par un temps assez couvert. Soudain, grosse émotion, la
radio nous signale un Fritz dans le coin, on attend impatients et émus.
Il a dû comprendre car bientôt retentit le fatidique "Mission terminée
rentrez au terrain". Il est exactement 13 h 15 et Longuessere
pour se dérouiller amorce un de ces piqués "maison" dont il
est amoureux. C'est au
cours de ce piqué que subitement ma cabine se trouve envahie de fumées
et que déjà je ressens d'horribles flammes me lécher le visage. Le feu!
et dans toute son horreur. Des essais infructueux d'extinction me font
perdre un temps précieux, je suis aveuglé, étouffé par cette fumée ocre
et les flammes plus violentes, je ne peux ni me détacher ni ouvrir la
cabine. Soudain une idée traverse mon esprit : le sol que je vais emboutir,
je tire le manche de toutes mes forces si bien que je me sonne dans
la ressource. Je m'étouffe, mes membres refusent de m'obéir mais mon
esprit ...(? Braves copains
de la D.C.A. Grâce à eux 1/4 d'heure après j'étais à l'Hôpital de Luxeuil aux mains du Dr Angelard.
Je souffre terriblement de la face ou j'ai des brûlures du 3ème
degré. Le Dr me soigne admirablement et m'amuse pendant l'opération
en me racontant des histoires et je lui réponds sur le même ton, le
moral est excellent. Après l'opération j'ai un instant de défaillance
qui est ranimée par ce brave aumônier. Les bonnes sœurs me soignent
de leur mieux, leur dévouement est sans limites. Le lendemain
je veux moi-même écrire à mes parents pour les rassurer, mais quelle
lettre! Je suis sûr que mon père fera l'impossible pour venir me rejoindre,
j'attends tous les jours son arrivée mais cependant, quel coup au cœur
quand on m'annonce qu'il est là et que j'entends son petit coup de sifflet!
Je suis ému en pensant à la peine qu'il va avoir en me voyant ainsi
défiguré, car je ne suis vraiment pas beau à voir. Il est là, mon frérot
aussi, je ne peux retenir mes larmes, eux aussi pleurent, mais c'est
qu'ils sont tellement heureux de me voir vivant ! Et maman, dans quel
état doit-elle être, elle aussi doit bien pleurer. Les trois jours qu'ils
ont passés prés de moi m'ont fait revivre, quel doux réconfort. Mes
camarades viennent souvent me rendre visite, ils m'apportent des fruits,
des bonbons, du chocolat, un poste de T.S.F. même. Ils sont vraiment
très chics ; c'est la surtout que j'ai ressenti cette forte et mâle
amitié qui unit tous les pilotes d'une même escadrille, pas de fioritures,
de déclarations, de protestations d'amitié mais un sentiment profond
et sincère qui est admirable, on peut compter les uns sur les autres. Papa aussi
a cette impression et il est enchanté de l'accueil reçu auprès du Cne Papin et du Cdt Durieux. Deux mois
à Romans pour une nouvelle hospitalisation et convalo, la présence de
mes parents a adouci la peine que j'avais de sentir les camarades là-bas,
cette vie ne me convient pas et c'est avec un sourire large comme un
parapluie que je retrouve l'Escadrille le jour de Noël, à Luxeuil.
Grande réception et arrosage de rigueur, je suis immédiatement
replongé dans cette atmosphère qui est celle de l'Escadrille. Je suis
incorporé de force (sans grande résistance d'ailleurs) dans la bande
des "Grands Ducs" qui semble indissoluble, en font partie
Doudiès (Doudou ou Dohu), Passemard (Amédée), Froideveaux
(Michou), Demortier (Beau blond), Veyrinc
(Riri), Fillot (le Dur), Valentat (Jackie ou mieux l'ivrogne), Cueuille
(le Piqueur), Pengam (Jeannot) et moi Ritou pour la circonstance. La raison sociale est: "la
vie du bon côté". La Lie aux Moines voit souvent la bande se déferler
dans son antre. Une salle nous est réservée pour nos g....ons
consciencieux. Les riches - (plus de 2 ans de service) - paient pour
les autres. Nous avons dégoté un cabriolet Ballot qui nous charriait
tous les dix ensembles avec sa pauvre carrosserie et surtout sa bonne
volonté. Grosse bagarre
à chaque départ: chacun veut piloter, se sentant ainsi plus en sécurité.
Les gendarmes tentent au début de timides essais d'autorité et de P.V.
mais ils comprennent très vite et bientôt nous regardent passer en levant
les bras au ciel "Ah, ces aviateurs !" Que d'événements
se sont passés depuis mon départ, Haberkorn
est à l'hôpital avec une jambe cassée dans un accident de moto et la
bande lui rend de nombreuses et bruyantes visites au grand émoi des
bonnes sœurs qui sont effrayées par tant de monde. Je reconnais le personnel
et je suis bien reçu, on m'offre même une boite de cigares, ce qui est
le signal d'une ruée générale d'ou je sors avec la boite... vide. Valentin
s'est payé le luxe de descendre seul, chez lui un Dornier 17 qui rentrait
de mission. C'est la première victoire de l'escadrille, occasion d'un
arrosage "maison". Le S/Lt Gauthier Gabriel a abattu un Messerschmitt, il a lui-même
été durement touché. Je vais le voir à l'hôpital, c'est très grave mais
il sourit toujours.
Il va être décoré bientôt de la Croix de Guerre et de la Légion d'Honneur
; il l'a bien mérité car il revient de loin, mais son Fritz n'en n’est
pas revenu du tout et c'est bien mieux. "Trois
appareils allemands sont abattus." Panhard a dit "ça a fait tac". Le Commandant
Roy, un réserviste, ancien de l'autre a pris chaud, trouvant la température
par trop élevée a fait une magnifique descente ouverture commandée,
le 104 est transformé en lingot. Fin décembre
je recommence l'entraînement sur M.406 non sans appréhension, mais dès
le décollage je me trouve chez moi et me voici prêt à faire des missions.
Le 1er janvier nous partons sur le Rhin protéger des Potez 63 en mission
photo, gros émoi mais quelle fierté en arrivant. Depuis les missions
se sont succédées, contrariées trop souvent par le mauvais temps en
février et mars et j'obtiens la première permission de détente fin janvier.
Au retour, le premier soin de tous est de
me montrer la photo de notre Ballot 3 cylindres (car toujours l'un d'entre
eux ne voulait rien savoir et surtout rien dire). Elle est voluptueusement
couchée dans le lit de la petite rivière qui passe à St Loup.
C'est le grand Doudou qui a fait le coup un soir dé... d'émotion il
n'a pas vu le parapet et avec Cueuille s'est retrouvé dans la flotte, le pauvre Marcel n'en
croyait pas de ses yeux, persuadé que l'eau venait d'une fuite du radiateur
et ne s'est rendu à l'évidence que lorsqu'il pataugea dans la rivière
jusqu'aux genoux, et encore! Le 19 Janvier,
le Ltt Gruyelle,
de Fraville et Doudiès
en mission de chasse libre sur le Rhin attaquent 8 Messers et les mettent
en fuite, deux d'entre eux se retrouvent dans les pâquerettes, invités
à descendre par le grand Michel et Fraville.
Le pauvre Doudou, fou de douleur voit ses mitrailleuses et son canon
lui refuser tout service alors qu'il avait un pointu dans son collimateur
"gros comme une vache, oui Madame". A compter de ce jour il
en voudra plus que jamais. Fraville passe des journées et des nuits à expliquer le coup
fumant. Le Ltt Gruyelle
s'est contenté de dire : il s'est retrouvé à 6000 m en
petits morceaux ... (? Le pilote allemand, un Lieutenant a sauté en pépin,
et se trouve à l'hôpital d'Epinal, on ira le voir. Il paraît que c'est
un grand garçon beau gosse, un mordu de l'aviation et aussi d'Hitler
toutes les 10 minutes il crie "Heil Hitler"
à qui veut l'entendre. Le mois
de février voit une floraison de sports nouveaux furieuses
parties de ping-pong-échecs et surtout bilboquet. le Capitaine
et Valentin se révèlent de redoutables champions, Notre aimable et noire
Mascotte nous offre un jour huit chiots magnifiques - a vrai dire nous
nous y attendions un peu - et chacun de choisir dans la bande un protégé,
un fils adoptif, ce qui est le signal de discussions terribles. Toujours
la neige et le temps couvert. Le 16 est une journée d'angoisse pour les pilotes,
visite médicale annuelle, le Toubib à l'aide de son Isarka
s'entête à découvrir des daltoniens, Amédée et M’sieur Martin sont du
nombre. Le lendemain la visite continue, le temps aussi. Enfin vers
le 22 le temps redevient sérieux et les missions reprennent, les 24,
27 et 29 j'ai l'occasion de sortir, mais toujours pas de Boche à l'horizon.
Le 3 mars on pouvait lire dans les journaux : "Un
avion allemand est abattu près d'Épinal" "Samedi un avion allemand de bombardement qui
survolait la région d'Epinal a été soudainement attaqué par un de nos
chasseurs à qui un autre avion de chasse français vint prêter main forte
presque aussitôt. Un combat aérien s'est déroulé à l'avantage de nos
chasseurs ; l'avion ennemi s'est écrasé au sol en flammes. Des débris
de l'appareil on a retiré trois cadavres complètement carbonisés. Un
4ème occupant avait réussi à faire usage de son parachute, il fut cueilli
en touchant terre." C'était
notre Doudou national qui avait fait des siennes, secondé par Sonntag, il s'est tranquillement approché a 20 m de la queue
du DO 17 en question et lui a largué quelques pastilles, un dégagement,
une autre attaque et le Monsieur comprend vite - Ah, ces jeunes que
c'est imprudent ! Un de plus à l'escadrille. Le soir, visite obligatoire
du Doudou à Epinal, réception au champagne par le Maire, les pompiers
et la fanfare ! Il a parait-il répondu au speech mais ne s'en
est jamais souvenu. Emotion ou Champagne ? Le 11, couverture
sur alerte, le 12 protection Le 29, à
noter l'arrivée au groupe de l'Escadrille polonaise, elle prend place
aux abords de la 3ème Escadrille, elle est composée du Cdt Mummler,
des Ltts Krohl et
Goetel, du Caporal-Chef Nowackièwitch, c'est un très chic type qui a eu bien des malheurs Fraville profite d'une ballade sur le Rhin pour bouter le
feu à un Henschel 126 ceci, de complicité
avec Catois et Amédée (qui biche comme un vieux poux - il faut avouer qu'il y a de quoi). Il rentre au terrain
la partie gauche du capotage arrachée
et l'empennage tirebouchonné par un piqué de 7.000 au sol. Toutes ces
victoires sont l'occasion d'arrosages systématiques et méthodiques dont
les résultats sont plus que satisfaisants. J'attends avec une impatience
fébrile le moment ou je serai l'objet d'un pareil arrosage. J'ai appris
avec beaucoup de peine l'accident de ce vieux Maurice l'Hôpital c'est
terrible mais il s'en tirera et c'est bien le principal. Ils ont été
attaques en patrouille par une quinzaine de Messers. qui les ont surpris.
A leur deuxième passe Maurice était descendu en flammes, ayant juste
le temps de sauter en pépin ainsi que deux autres coéquipiers mais hélas
il est à déplorer la mort de l'Adj Chavet du GC III/7
(? On a eu la visite de deux copains de promotion : Vernier
qui prépare le peloton des E.O.R. et Pothus,
occasion d'une sortie à Luxeuil, nous avons
eu beaucoup de plaisir à nous revoir. Depuis quelques
dimanches nous avons monté une équipe de foot-ball
et nous allons jouer dans les patelins environnants tels que St Loup,
Champagnolle, Vesoul, Besançon, Lure, ou bien nous les recevons
sur le beau stade Maroselli, nous nous sommes
faits une petite renommée, une sélection se forme avec les toubibs et
nous rencontrons bientôt l'équipe première (ou presque) du F.C. de Sochaux
qui nous battra par 7 à 3 devant 5.000 personnes, match présidé par
un Général s'il vous plait! C'est au
cours d'un de ces matchs le 7 avril qu'il nous fut donné d'assister
a un beau combat aérien, un malheureux JUNKERS 52 a eu le tort de vouloir
se promener entre Luxeuil et Vesoul alors
que 3 patrouilles étaient en l'air, il est pris à partie par les chasseurs
pourtant, le pauvre, il leur voulait pas de mal, dégouté, il jette du
lest, (une roue, un plan, un empennage) le reste s'écrase dans un bois
près de Meurcourt ; les 9 occupants sont carbonisés. Le 17, l'Escadrille
se réunit à la "Lie aux Moines" pour fêter en un diner fort
sympathique les victoires et le départ en convalescence du S/Lt Gauthier G. Le Cne de Mentque, promu commandant en même temps que le Cne Roy, fait une arrivée fort remarquée. Le 18, la
phobie des parachutes reprend toute son ampleur. Le Cne
Papin est obligé de quitter son cher bilboquet pour partir en avion
à la recherche d'un parachutiste fantôme. Le 20, l'escadrille apprend
avec joie la nomination au grade de S/Lt de
l'Adjudant-Chef Valentin et tout le monde espère qu'il restera parmi
nous. Enfin un
Dewoitine 520,
les autres suivront rapidement - d'ici quelques mois - C'est le S/Lt
Valentin qui le premier au groupe prend en mains ce nouveau piège (résumé
de l'interview, avion nettement supérieur au 406). J'ai attendu quelques
jours pour pouvoir l'essayer, c'est une voiture magnifique qui grimpe
comme contre un mur et s'offre du 550 km/h à 6.000 m. et tourne l'acro
au "micropoil". Quelques missions
encore sur le Rhin, Lorach, Bale, le Kaisersthul,
Fribourg et des couvertures sur alerte, des combats ...(Illustrations
intercalées Le 2 mai, jour de l'Ascension, j'ai assisté à une
messe très pittoresque dans le hangar de la 4eme escadrille, l'Autel
était une simple table surélevée par des bidons vides et des caisses
de munitions, le Curé, un Caporal Chef nous avertit gentiment que la
prochaine fois son prône sera mieux car il le préparera. En somme c'était
très bien mais à la place du "Deo Gratias"
des cathédrales une simple pancarte portait ces mots "Défense de
fumer"! C'était à la fois simple, touchant et ne manquait pas de
grandeur. Quelques
jours après, me voilà avec une piqûre dans le dos, 48 heures au moins
de repos mais il pleut et pour une fois je bénis le mauvais temps. Le
Ltt Goetel qui a un combat avec
un He 111
laisse des poils dans l'aventure "cheveux tout brûles" dit-il
en montrant son avant-bras qu'a éraflé une balle, son taxi est touché
et il a du faire une superbe descente hélice calée sur le terrain de
Chaux. Le 10 mai
au matin, réveil en fanfare, "pan, pan, pan, boum, boum" serai-ce
la vraie déclaration de guerre? A 4 h 45, une dizaine de He 111, Ju 88
et Do 17 s'amusent à tourner sur le terrain et ses environs, la D.C.A.
est émue mais aucun coup ne porte. Arrivée précipitée des mécanos et
pilotes au terrain, les mécanos mettent en route sous les bombes et
nous décollons de même. Mon avion est prêt le premier et je décolle
droit devant moi, je ne vois pas le Cdt de Mentque
qui décolle à 100 mètres derrière. Dieu que j'ai eu chaud, mais tout
n'est pas fini car me voila seul dans l'atmosphère avec au moins 9 bombardiers.
Que faire ? Je repère un isolé loin derrière, je m'approche en douce
en me cachant dans la brume à 400 m environ mais il me voit et se "trotte"
en douceur, j'ai eu juste le temps de l'arroser. Il se dirige vers Epinal
puis vers l'Allemagne, je le suis de loin et lui coupe la route. A chaque
virage, il riposte durement et je vois ses traçantes s'encadrer, il
abandonne bientôt sa mission et, sans lâcher ses crottes rentre en Bochie,
je l'accompagne jusque sur le Rhin mais je pense aux Messers qui ne
doivent pas manquer d'accourir à la rescousse. Je veux ...(Illustrations
intercalées Pendant
ce temps, le Cne Papin, Lamblin,
Panhard et Passemard se battent comme des
chiffonniers au-dessus des nuages. Panhard et Lamblin
se posent près de St Dizier ; l'Amédée a eu
une peur bleue, il se préparait à attaquer des bombardiers ou ce qu'il
croyait en être mais ces bimoteurs étaient des Me 110 ! et ils se sont
immédiatement trouvés en patrouille dans sa queue, heureusement que
de complaisants nuages noirs se trouvaient à portée de la main ! Deux
d'entre eux ont cependant été abattus, en combat tournoyant, l'un par
le Cne Papin l'autre par le Ltt
Collens. Cette bagarre a montré l'infériorité manifeste du 406
envers le Me 109 et 110. Pendant
cet intermède, je me morfondais avec Doudiès
au dessous des nuages, il ne pouvait pas monter n'ayant pas son inhalateur,
on attendait ces Messieurs en bas mais ils n'ont pas voulu descendre. Dés le matin
du 11, des vagues de bombardiers passent et repassent sans cesse, tout
le monde décolle, le Ltt Valentin, Lamblin,
Panhard et Passemard abattent un He 111 au
lac des Settons après des efforts désespérés des 406. Avec Doudou, nous attaquons vers Vesoul un peloton
de 21 He 111 je les croyais accompagnés de 110 et je hurlais à la radio
"Avertissez-le que j'en vois à droite, à gauche en dessus, plus
bas" mais sa radio ne marchait pas et nous voila en pleine activité, Après trois
passes sur le dernier taxi du peloton, il se met à fumer comme un pompier
et tombe désemparé, des nuages nous cachent sa descente plutôt rapide
prés de Vesoul, je me retrouve seul dans l'atmosphère et comme j'ai
usé toutes mes munitions je rentre seul en rase-mottes au terrain, comme
un grand, Doudiès va renforcer une patrouille du I/6
et en abat un autre dans le Jura. Je constate quelques trous dans mon
avion, nouveau bombardement du terrain sitôt après mon atterro
pendant que je téléphonais mon compte-rendu, un isolé lâche de 6.000
des crottes sur la 3. Mon pauvre 88 de qui j'étais si fier, explose
littéralement, une bombe l'a atteint dans l'habitacle et il flambe,
j'en ai pleuré comme un gosse c'est vraiment pénible de voir brûler
son avion sans pouvoir rien y faire, plusieurs autres subissent le même
sort, On est obligé
de se terrer dans des abris, cette attente sous terre est exténuante,
les miaulements des Junkers et des Heinkel qui bombardent en piqué vous
mettent à bout. Combien est préférable un beau combat en l'air, là au
moins on voit quelque chose on peut faire face, on peut respirer. Quatre
bombes en piqué : l'une élargit pas mal un puits, une arrache le moteur
de D.520 d'essai dans le hangar, une troisième pulvérise le magnifique
P.C. des Polonais; Goetel trouve des petits morceaux de sa casquette; moralité:
"ne quittez jamais votre casquette". L'abandon du terrain
est décidé on atterrit gentiment sur le terrain de desserrement de St
Sauveur joli, bien camouflé mais trop petit; deux pilotes
de la 4, Jonaszik et Lefèvre se retournent
la crêpe dans une haie au décollage l'un sans mal, l'autre fera quatre
mois à l'hôpital. Le 12, j'étais
dans ma chambre en bordure de l'ancien terrain quand il fut attaqué
à la mitrailleuse par les Me 109, des balles viennent s'écraser sur
...(Illustrations intercalées
A 18 heure, la patrouille Valentin Panhard et Lamblin
attaque un D.O 17 protégé par 4 Messers, Lamblin
se lance sur la protection pendant que Valentin et Panhard attaquent
la Do en rase-mottes et l'abattent à 300 m de l'autre côté du Rhin,
il avait la peau dure; sans résultats avec les Me. Le 406 devient de
plus en plus insuffisant. C'est bien ce que pense le Commandant qui
nous envoie, Doudiès, Panhard et moi de la
3 ainsi que le Ltt Louis
et Boillot
de la 4, à Toulouse pour ramener des D.520. A 12 h 30, on signale l'arrivée
du Bloch 220
qui vient nous chercher et il apparaît déjà en bordure de piste. Coup
de théâtre, il est attaqué en grand par la D.C.A qui manifeste toujours
son activité, le pauvre est touché en plusieurs endroits, l'équipage,
indemne se fait enguirlander par le Cdt de groupe. Le Cne, commandant la D.C.A, croit avoir abattu un Boche et fait
son compte-rendu au téléphone; le pauvre homme, quelle idée il a eue
! Le Cdt lui glisse quelques noms d'oiseaux dans l'écouteur et nous
de rire doucement. A 14 h 30, un autre Bloch 220 peu rassuré vient nous
prendre avec des mécanos et tous, avec le sourire partons vers Toulouse,
escortés par une patrouille de 406. Nous y sommes
restés 12 jours, ce séjour à Toulouse me laisse le meilleur souvenir,
après la tension nerveuse due aux bombardements et combats continuels,
cette sortie nous fait un bien énorme. Le lendemain
de notre arrivée à Toulouse, prise d'alerte, défense du terrain de Toulouse
Francazal. Les habitants ont une pétoche plutôt
amusante, nous volons un peu sur 520 et "discutons le coup"
avec Doret le fameux Doret c'est le plus chic type de monde, il connaît
son boulot et le nôtre, il nous offre un jour un déjeuner pantagruélique
dans un coin charmant sur le Tarn en compagnie de quelques cracks de
l'aviation, repas charmant ...(Illustrations
intercalées
Arrivée
à l'Escadrille du S/Lt Petit ou Hubert pour
les intimes. Le même jour, attaque d'un He 111 par le Cne
Papin, le Ltt Krohl
et une patrouille légère de la 4. Il s'écrase à Sélestat. Le 28 mai,
M'sieu Martin se pose à Vichy, le Morane y
reste compte rendu de l'accident "les Vichissoises
sont des filles sympa". Le 25 mai, mission en 406, ce sera la dernière
certainement, nous l'espérons, Doudou Nowack
et moi, partons en couverture du terrain on nous signale un Fritz au
Nord de Chalindrey, a 7.000 m. Là, j'aperçois une traînée blanche certainement
laissée par le Fritz, plus haut que nous et plus loin, je la signale
à Doudiés, c'est celui que nous cherchons, la poursuite commence,
nous le rattrapons très lentement mais il nous voit et vire vers l'Est,
mon moteur chauffe terriblement, pauvre 406, il est bien essoufflé.
Nous le rejoignons néanmoins mais dés la première passe je sens un choc
au cœur, de la fumée de partout des flammes sortent du moteur, côté
droit, je réalise immédiatement : le feu ! Et cela vers 7.500 mètres
je ne crois pas avoir été touché car je n'ai rien entendu d'ailleurs
je n'ai pas vu tirer le mitrailleur. Je largue
immédiatement la cabine, quitte le relais de poitrine et j'actionne
l'extincteur en coupant tout - veine, plus de flammes ! je
commence la descente en réfléchissant car maintenant j'ai le temps de
la faire, la région est bien mal pavée, un instant
...(Illustrations intercalées Je sors
de là tout heureux mais je dois attendre 1/2 heure avant de voir émerger
d'un buisson une tête de paysan armé d'un fusil de chasse (le paysan,
pas la tête) il n'est pas du tout rassuré et quand je lui montre l'empennage
tricolore il court chercher les gendarmes sans doute dans la délicate
attention de me coffrer. Enfin, un Capitaine de la D.C.A arrive et m'apprend
que depuis 4.000 les mitrailleuses Hotchkiss
me tirent dessus, les maladroits, ils ne m'ont pas eu, je lui dit ma
façon de penser sur ce procédé, c'est une chose inadmissible et hélas
répétée trop souvent due à l'affolement. En conclusion,
il m'emmène déjeuner au village qui porte le joli nom de Dancevoir ; cordiale réception par tous les Officiers et les
habitants. Le G.C. II/7 est averti et vers midi le Cne
Papin tout souriant de me revoir vient lui-même me chercher en voiture.
Encore une fois, j'ai eu une veine de tonnerre mais je ne veux plus
entendre parler du 406 et dès le lendemain, je pars en mission avec
le 520 de Nowack N° 62. Quelques jours après
une note nous apprit que le DO avait été touché et était tombé dès le
Rhin. Le 27 le
Capitaine m'emmène en Goéland
à Toulouse pour ramener encore des Dewoitine, retour le jour même. Le
lendemain, même histoire mais le temps bouché nous bloque à Toulouse,
attente de 24 h et nous décidons de partir néanmoins avec le Cdt Pépin,
un as qui a quelque 5.000 heures de vol, nous détournons le Massif Central
par le Languedoc, nous passons de justesse dans la crasse vers Naurouze plafond de 50 m, et visibilité affreuse, nous retrouvons
le beau temps à Marignane où nous nous posons et cassons la croûte tous
ensemble sur la piste. Le travail de navigation est partagé, il m'échait
le soin de conduire les six appareils que nous sommes de Bron à Avelanges. Grâce à
une feinte de balayeur nous nous retrouvons, Gourbeyre, Planchard
(de la 4) et moi seuls dans l'atmosphère car j'avais une idée à mettre
à exécution en l'occurrence un passage sur Romans. Je quitte la patrouille
à Loriol et je fonce sur mon cher pays. Douce émotion en le
voyant et en voyant aussi mon Père sur le parapet de l'Isère car il
m'a bien reconnu, Maman et lui savent bien que c'est moi qui viens ainsi
leur dire bonjour au ras de l'Isère. Un instant j'ai de si bons souvenirs
! Je n'ai
hélas pu faire que quelques passages, le plafond trop bas m'interdit
de faire un peu d'acro, pourtant, j'en avais
tant envie. Mon Père que je devine fort ému me fait des signaux désespérés
pour me dire de passer plus haut. Piqués et chandelles impressionnants
leur font mal au coeur, je le sens bien et après un dernier passage encore
plus bas que les autres je reprends la direction de Bron où j'arrive
en même temps que mes deux complices. Le 520 impressionne
tous les aviateurs du coin qui n'en ont encore jamais vus. Nouveau
départ et cette fois, c'est moi qui emmène le total, nous traversons
plusieurs orages et survolons le terrain de Dijon bien amoché par les
bombes, nous reconnaissons le hangar du II/7 il est durement touché
le bâtiment central de commandement est en ruine et nous avons tous
beaucoup de peine, tout cela reste à venger. Le 31 mai,
on me confie le soin de conduire un des derniers 406 à Dole, à la Division,
il sera utilisé par un Colonel, le pauvre fume dans tous les coins (l'avion)
il vibre à faire peur, en un mot mon Colonel sera bien servi ! Sur le terrain
de Dole, grosse impression des Bloch 174 belle voiture aussi rapide que le Dewoitine. l'officier
qui me réceptionne revient d'une mission en Hollande à 10.000 m. Il
faut avouer que les gars de l'observation sont des gens gonflés, j'en
ai froid dans le dos ! En arrivant
à Marey, nos logements étaient réduits à l'état de bottes de paille
puis nous sommes allés, Doudiès et moi, chez des personnes charmantes Mme et Mr très
chics pour nous, tous les soirs nous trouvions à notre attention un
plat de fraises et au Kirch s'il vous plait, la patronne pleine de prévenances
et notre chambre épatante. Une demi
journée de repos nous permet de goûter les joies de la pêche à la truite
; pas de truite bien entendu ni même prise à la main n'est-ce pas Doudou? Amédée a
reçu un télégramme de chez lui, sa gosse est malade le Commandant lui
donne un 406 pour y aller, beau geste très apprécié de tous. Sa gosse
va mieux, il continuera jusqu'à Toulouse échanger son vieux taxi contre
un 520 tout rutilant, la peinture n'est même pas sèche et son indicatif S dégouline lamentablement. Le 31, lâché
du Ltt Petit, le taxi se retrouve indemne
sur le terrain de Thil-Chatel
où Doudiès va le chercher. Le 1er Juin,
grosse activité. De bon matin couverture orientée avec le Ltt Gruyelle et le Ltt Krohl, à 6.000 rencontre de
50 bombardiers He 111, nous sommes neuf et y fonçons droit dessus, ils
vont bombarder la vallée du Rhône et Marseille. C'est là que j'ai compris
la merveilleuse organisation de leurs escadres, ils volaient groupés
de très prés et aucune passe ne pouvait les dissocier, en attaquant
de la gauche on voyait les avions de droite s'élever légèrement et se
mettre ainsi en escaliers ainsi tous les mitrailleurs de la patrouille
avaient le champ libre et pouvait ajuster à loisir. L'un d'eux quand
même a compris et le voilà en flammes (il ne sera pas homologué au II/7
mais au I/6 par erreur) un autre à du mal et rejoint la Suisse :
il est compté "tombé à l'ennemi". Je rage, quand donc en aurai-je
un d'officiel ? La mission
suivante décolle une heure après je suis avec le Ltt
Gruyelle, Chef de patrouille et Novack.
Nous voila bientôt à 6.000 en compagnie d'un peloton de 50 He 111 environ
et on nous signale en phonie des Me 109 et 110, avec les 520 nous sommes
d'attaque pour les attendre. C'est formidable comme une bonne machine
donne de la confiance en soi extraordinaire. Près de Lons le Saulnier
nous attaquons le dernier Heinkel du peloton mais dès la première passe
je vois quelques Km en arrière un autre ennemi isolé et qui essaie de
rejoindre les premiers. Je le signale à mon chef de patrouille qui ne
le voit pas je hurle à la radio de le prévenir, il est là en face...
Le Ltt Gruyelle
mal placé ne voit toujours pas alors je parts seul les deux autres hésitent
mais je les vois bientôt me suivre. J'approche de très près pour identifier
le Boche et fais une passe 3/4 arrière. je redresse au ras des plumes
pour voir s'affaler le mitrailleur arrière j'avais vu porter mes obus
dans sa cabine, juste le temps de faire une autre passe au moment ou
il s'engage en piqué à la verticale. Je vois
un moteur fumer, mais fumer... Je suis fou de joie et je gu...
à la voiture radio "il est tordu, il y a droit". Naturellement
je me fais enguirlander pour tout ce tapage par le Ltt
Laury qui m'écoute. Le Ltt Gruyelle et Novack m'ont rejoint
et nous voici en quelques secondes descendus en rase-mottes c'est un
instant merveilleux que cette chasse au ras des toits et des haies,
rien ne compte plus pour moi que le Heinkel à abattre. Il est déjà blessé,
sa vitesse diminue mais il vole toujours en direction de la Suisse.
Encore quelques passes de notre patrouille au risque d'emboutir la verdure
et d'un coup, le voila s'écrasant près d'une petite rivière nous sommes
maintenant entre Besançon et Pontarlier deux villages sont là tout près
Gruyelle et Nowackiewich ont disparu, dans ma joie je les ai pas vu disparaître,
deux zèbres se dégagent du taxi et courent dans la campagne, avant de
partir Novack en a laissé un sur le gazon. En rentrant
je vois mon jaugeur d'essence marquer "0" j'ai peur d'avoir
été touché et me pose à
Arbois - vérification faite, tout va bien et je vais repartir mais avant
je dois siffler une bouteille de bon vin et compagnie de plusieurs Officiers
et Sous Off. (Arbois est un pays sympathique ou le vin est excellent.
Je les remercie par un passage mais je suis inquiet au sujet de l'essence.
Je monte à 3.000 pour parer à toute éventualité et me voila en vue du
terrain de Marey. Hélice en
croix ! prise de terrain normale mais je sors
mon train trop tard il s'écrase à l'atterro.
Glissage de 50 m sur le ventre sans mal, le 230 est mort ! mais tout
est bien car je sur que cette fois je ne raterai pas mon homologation. Et la séance
continue, missions, bagarres trop souvent sans résultats apparents.
Le 2 Juin, le Cdt Pépin, Doudiès, Martin Krokl et moi attaquons un peloton du 50 He sur le Doubs venant
de Marseille tandis que Martin s'explique seul contre trois s'amusant
à les passer en "saute-moutons". Avec Doudiès et Novack on rentre de mission
très tard il fait presque nuit et il faut se mettre à cheval sur la
voie ferrée pour rentrer au terrain. Le 5 Juin,
réveil précipité de tous à 2 heures. 1.000 parachutistes allemands doivent
- comme chacun le sait – attaquer le terrain, on les attend. A 8 heures
poursuite mouvementée d'un DO 215 par Doudiès
Martin et Novack. Pris sur Dijon, il rèussit malgré les qualités du 520 à repasser le Rhin dans
un triste état (fumées de partout) Martin et Novack
se posent à Luxeuil, Doudiès
dans la campagne près de Belfort. Dans la journée nous partons à Meaux
renforcer ...(Illustrations
intercalées Nous partons
sur Amiens ou plutôt sur ce qui fut Amiens car tout ici est ruines,
mort et désert, le feu et la fumée sont tout le décor. C'est horrible
de voir flamber une ville et tous les petits villages tout autour sont
autant de ruines. Ici la bataille
de France fait rage. Le 14, grosse mission de destruction du groupe
en collaboration avec le I/6 sur la région de Metz
où l'ennemi fait des ravages, des incendies
vers Pont à Mousson et au Nord de Metz mais pas la moindre trace d'un
avion boche. Le lendemain, dès 9 heures le Commandant Pépin part seul
faire un tir sur l'étang de Longeau il ne
rentrera plus. A-t-il été descendu? Départ d'une patrouille double Valentin, Lamblin Novack Gruyelle Krohl et moi en mission
de destruction dans la région Metz-St Avold.
Je suis à peine à 400 m de Valentin quand je le vois piquer sur un Henschel
126 je me prépare à faire moi aussi une attaque mais quand j'arrive,
c'est trop tard, il descend en vrille le moteur en flammes, ça c'est
signé Valentin. (Morhanges) Quelques minutes plus tard on s'explique avec trois
DO l'un d'eux s'écrase au sol, beau spectacle en vérité un autre rentre
dans ses lignes en fumant. Valentin rentre au terrain la commande de
profondeur bloquée par des balles, son taxi est une écumoire, les mécanos
s'attellent au travail et le soir même vers 15 heures nous repartons
en protection d'un débarquement de troupes entre Chaumont et Neuchâteau
sauf Lamblin qui n'est pas entré de la mission
du matin. A la sortie
d'un nuage un magnifique Dornier s'offre à nous, Valentin lui fait une
passe au ras des plumes et je vois arriver ses obus sur le fuselage.
Je suis immédiatement derrière et Passemard
qui est en 3éme position fait la même remarque sur mon tir, l'ennemi
s'engage dans un nuage mais on le voit bientôt redescendre bien plus
vite. Deux zèbres sautent en pépin, un 3ème reste accroché dans l'empennage
quelle drôle d'idée! Le Cdt Mummler touché s'est posé à Gray, comme il parle mal le français,
on le prend pour un Boche et il échappe de peu à un lynchage en règle
! Pendant ce temps là, Pampan qui a récupéré
un Potez 58 on ne sait où part à la recherche de son double le Sgt Chef
Lamblin. Leur odyssée est épique ; il le retrouve et le ramène
; en rentrant ils se souviennent qu'ils ont laissé des amities à Luxeuil et s'y posent.
Impossible de repartir. Dans la nuit on les réveille "Les Boches
arrivent". Ils s'habillent en toute hâte récupérant une voiture.
(où, quand, comment ?) La route de Vesoul est déjà occupée et ils repartent
vers Lons le Saulnier. Là, on les prend pour des espions et ils sont
enfin incorporés dans une caravane de réfugiés, impossible de rejoindre
le groupe, nous avons déménagés et ils ne savent plus où nous sommes.
Pour notre part, nous les croyons prisonniers mais il réquisitionnent
encore des voitures et font route vers le Sud. Ils trouvent un groupe
de chasse qui les adopte pour quelques jours mais ils repartent à notre
recherche c'est la belle vie "qu'y disent" Ils ne nous rejoindrons
qu'en Afrique du Nord. Le même jour nous partons à Feurs. Valentin en panne
se pose, hélice calée à Charlière dans un
mouchoir de poche. Comme il convient, personne ne nous attend mais nous
trouvons une âme charitable qui nous offre à dîner, Martin, Amédée,
Novack et moi, nous couchons par contre dans
les chambres luxueuses du château du coin, qu'ont occupé paraît-il des
princes et des princesses, mais évidement ces dernières n'y sont plus.
Le lendemain 16 Juin nous desserrons à Bouthéon, terrain de St Étienne
bien petit pour le 520, le soir nous rentrons à Feurs et le 17, en route
pour Carcassonne ; on commence à comprendre. Passage
dans la vallée de Rhône, je reconnais bien tous ces coins, j'en ai presque
le cafard, je reconnais aussi Chomèrac. Ici, à Carcassonne
c'est plein à crever, des gens de partout des Belges en particulier.
Chacun verdit en apprenant qu'on part en Afrique du Nord, il faut traverser
la flotte, quelle trouille, mais le moral est bon car c'est certainement
pour continuer la lutte avec les Anglais. Tout Va Bien !! A 19
heures, départ du groupe à Perpignan, St Laurent de la Salanque, Doudiès
et Novack partent à Toulouse pour échanger
leurs taxis qui n'ont pas de réservoir d'ailes et le 20, ils nous rejoignent
à St Laurent plafond 20 m. Béni soit le canal du Midi ! Nous avons
passé la journée de la veille à préparer les réservoirs et à faire les
pleins d'ailes nous même, tous nos mécanos sont dans l'échelon roulant
qu'on attend mais qu'on ne voit toujours pas arriver. Enfin, départ
du groupe pour la grande épreuve, évidement nous n'avons ni gilet flottant
ni d'objet similaire, le seul qui s'est muni d'une énorme chambre à
air de camion, le Cdt Mummler reste en rade au départ et ne peut décoller ! Je suis,
avec Amédée dans la patrouille du Cne Papin,
on aura l'œil car il y a paraît-il des Messers sur les Baléares. Traverser
la flotte ! on s'est tout de même fait à cette idée, on est presque
brave, résolu tout au moins. Notre bombardier guide, un as de la navigation
nous conduit bravement en ligne ...(Illustrations
intercalées Bône est une ville très gentille où les artilleurs
de la D.C.A nous reçoivent à bras ouverts le paysage a bien changé en quelques heures. Les Français
de Bône sont sympa, un brave homme connait Romans nous offre du vin
vieux, le patron de l'hôtel où nous sommes sort pour nous deux bouteilles
de derrière les fagots (pourtant nous logeons chez lui à l'oeil).
Ici, la ville serait trop belle alors nous partons à Souk-El-Arba. Pendant ce temps, Doudiès
et Novack ; laissés pour compte à Perpignan
se joignent au I/6 et arrivent par miracle à Bougie où leur est offerte
une réception au fusil et fusil-mitrailleur, Doudiès
dut obéir à cette injonction "quittez vos armes y compris ça"
; "ça" c'était la boîte relai de la phonie et le laryngaphone.
Après bien des tourments ils peuvent redécoller et rejoignent Bône en
rase-vagues, naturellement, le II/7 n'est plus là. Enfin, ils terminent
leurs pérégrinations et trouvent l'escadrille dans le "site enchanté"
qu'est Souk-El-Arba. C'est un patelin affreux
où tout est occupé par les réfugiés, la seule boisson trouvable ; la
bière coûte 7 fr le litre et elle est écoeurante,
on mange des conserves et on couche sur la paille dans l'école communale
! Enfin, le
14 on part ; pour Oudna, à côté de Tunis,
je parts dans la première patrouille avec Valentin et Catois,
ce dernier a la panne au décollage et s'écrase en bordure de piste,
on le retire de là passablement amoché, la mâchoire, une jambe et un
bras cassés. Il ne rejoindra plus l'escadrille. Nous avons
établis notre G.Q.G sous off au Tunisia Palace
c'est tout simplement le plus beau Palace de la ville, chambres luxueuses,
salle de bain et tout, et tout, ça change de la paille. La ville est
agréable mais on vole peu, souvent on occupe le temps en de longues
promenades. Comme à Toulouse, Panpan a trouvé
un gérant de la maison Panhard et a une grosse bagnole à sa disposition.
Nous roulons tous les jours Kairouan, Bizerte, Monastir, que de baignades
en mer à Carthage, à Gammart et ailleurs. Malgré cela on sent que chacun de nous
a un cafard énorme, en pensant à ceux qu'on a laissé là-bas et à la
France... On déménage
une fois de plus le 10 Juillet pour El-Aouina,
on ne vole presque plus, je profite d'une rare sortie pour casser un
avion. Sur le 104, j’ai un instant après le départ une explosion au
mono triple d'huile, des projections de partout et surtout dans les
yeux, je n'y vois plus rien et évidement, je n'ai du fait de l'explosion
ni freins, ni volets pour me poser. Je devine
le terrain plutôt que ne le vois et j'atterris tant bien que mal, plutôt
mal que bien, une roue arrachée, plan gauche faussé. Remise officielle
des décorations et lecture des citations par le Général Vuillemin lui-même
; réunion simple, triste, et pleine de grandeur. La Guerre
est bien finie. Le Général
Pierre Weiss, un grand homme dont le souvenir ne peut s'effacer chez
ceux qui l'ont connu nous dit de façon parfaite que "la France
a conservé les équipages glorieux d'une aviation qui n'a jamais été
battue même 1 contre 5, même 1 contre 10". Le plus
pénible est de comprendre que pour nous la lutte est finie, la France
est bien battue, tout semble perdu. Malgré cela, chacun, au fond de
son coeur cultive un coin secret qui est l'Espérance. |
Affecté en Tunisie, à l'automne 1940, le sergent Henri Grimaud prépare
le concours d'élève-officier d'active et rejoint l'école de l'air de Salon
de Provence en octobre 1942. Nommé Sous-lieutenant le 1er mars 1943.
En congé d’armistice de mars à août 1943, il entre dans
la Résistance au sein du réseau « Andromède-Zéphir ». Rappelé à l’activité
le 1er septembre 1943, il est affecté à la Compagnie de guet 33/71 à Privas
(Ardèche). Profitant d’une permission, il rejoint les Forces françaises de
l’intérieur du Vercors le 9 juin 1944 et, après avoir été blessé le 14 juillet
lors d’une attaque de la Luftwaffe, il tombe au combat le 21 juillet 1944
à Vassieux-en-Vercors (Drôme). Le lieutenant Henri Grimaud était chevalier
de la Légion d’honneur et titulaire de la Croix de guerre 39-45 avec 2 citations.
le Lieutenant Henri Grimaud repose au cimetière de Romans.
Une rue de cette ville porte son nom.
Il est le parrain de la promotion 2003 de l'Ecole Militaire de l'Air.
Au
musée de la Résistance : son nom est associé à
tous ceux qui se sont sacrifiés au nom de la Liberté