René Fonck est le plus grand as des aviateurs
de la première guerre mondiale. Sa supériorité sur ses adversaires n'était
pas due à des coups de chance ou à des hasards mais bien à sa technique
de combat servie par des qualités exceptionnelles.
Mobilisé le 22 août 1914, le jeune ingénieur vosgien, diplômé des arts
et métiers, est versé tout de suite dans l'aéronautique militaire à Dijon.
Après des classes pénibles au 11e Génie à Épinal, il est enfin affecté
en tant qu'élève pilote à Saint-Cyr-l'École le 15 février 1915. Il suit
ensuite le cours de perfectionnement de Lyon avant d'attaquer la pratique
sur "rouleurs à la base du Crotoy (Somme) où il obtient son brevet
de pilote sur Caudron G 4
le 31 mai 1915 (n° 779). Il a tout juste 21 ans. Le caporal René Fonck
est envoyé à l'escadrille de reconnaissance à Corcieux (au sud de St-Dié).
Désormais, cet orphelin de père depuis l'âge de 5 ans, déraciné d'Alsace
par la défaite de Napoléon III en 1870, va pouvoir prendre sa revanche
sur les Allemands à sa manière.
Le
22 août 1915, il reçoit sa première citation à l'ordre de l'Année pour
une reconnaissance périlleuse accomplie sous le feu ennemi. Mais l'action
qui donnera naissance à sa formidable carrière a lieu un an plus tard,
le 6 août 1916. Ce jour-la, Fonck dans son avion de reconnaissance attaque
"deux Rumpler
fortement armés, en prend un en chasse par une série de manœuvres audacieuses
et habiles et le contraint à atterrir indemne dans nos lignes" (extrait
de sa 3ème citation). Il reçoit la Médaille militaire.
L'observateur allemand écumait de rage : il avait en effet dans sa poche
une permission qui aurait dû commencer l'après-midi même ! Quant au pilote,
il ne peut que déclarer qu'il avait constamment été dominé par le Caudron
et qu'il ne pouvait ni s'échapper, ni tenir le Français dans un angle
de tir. Ce seront les deux seuls prisonniers que Fonck fera de toute la
guerre, les autres "ne voulaient pas venir, alors dame... il était
bien obligé de les "descendre" !
Malgré la lenteur des avions d observation qu'il utilise, René Fonck abat
en deux ans 2 appareils ennemis en 600 heures de vol, ce qui lui donne
son billet d'entrée dans la chasse. Le 25 avril 1917, l'adjudant-chef
René Fonck est muté dans le glorieux "groupe des Cigognes"
du commandant Brocard.
Technique de combat
Bénéficiant alors de la totale confiance de son chef d'escadrille, le
capitaine Jean d'Harcourt, Fonck peut, grâce au plus bel appareil de la
SPA 103,
un Spad VII 180 CV,
faire des merveilles. Moins de trois semaines plus tard, il est cité comme
as au communiqué des armées pour sa cinquième victoire. Le 12 juin, il
abat son premier as allemand, le capitaine Von Baer (12 victoires), en
vengeant le sous-lieutenant René Dorme (23 victoires).
Le 30 septembre 1917, titulaire de 15 victoires, il venge le symbole des
as de guerre, le capitaine Georges Guynemer
en abattant l'oberleutnant Wissenman. Il est nommé sous-lieutenant et
fait chevalier de la Légion d'Honneur.
Dans son livre "Mes combats" (Paris 1920), il s'est expliqué
sur sa technique de combat : "Je sais me placer dans les angles morts
de l'avion attaqué sans engager avec lui un véritable duel. Guynemer combattait
autrement et affrontait régulièrement le feu, mais cette tactique est
très dangereuse elle met le pilote à la merci d'un enrayage de son arme.
J'utilise toujours les angles morts et suis forcé pour cela de tirer quelle
que soit la position de mon Spad mais je m'y suis fait depuis longtemps.
Mes rafales sont de huit à dix cartouche au maximum et souvent je n'emploie
pas plus de trois balles.
Outre l'avantage d'économiser les projectiles, ce procédé a aussi celui
de me faciliter la visée et de réduire les chances d'enrayage ou de rupture
de la mitrailleuse. J'ajoute encore que pour obtenir des résultats sérieux,
il faut savoir dominer ses nerfs, garder une absolue maîtrise de soi et
raisonner froidement les situations difficiles. J'ai eu à faire aux grands
as boches ; j''ai eu la patience, en combattant, d'attendre la minute
d'énervement. Ce sont là des qualités nécessaires et je répète ce mot
que pour devenir un grand as, l'apprentissage est long, difficile, semé
de déceptions et d'échecs répétés au cours desquels notre vie est cent
fois jouée."
Son chef d'escadrille, le capitaine Jean d'Harcourt, était frappé par
les efforts que Fonck faisait pour expliquer à des camarades plus jeunes
et moins expérimentés, sa technique de combat. Mais il s'expliquait mal
et n'était pas très pédagogue ; les travaux pratiques par contre, c'est-à-dire
des patrouilles sous sa direction, étaient d'excellentes leçon, de virtuosité.
126 victoires probables
L'année 1918 est la préfiguration, au point de vue de la technique de
la chasse, des combats futurs. Fonck est un des premiers à comprendre
la nécessité de posséder une technique de combat lui assurant la victoire,
et certainement celui qui la maîtrise le mieux. Commencée sur le tard,
en mai 1917, sa carrière de chasseur va exploser durant l'année 1918.
Pilote
au courage froid, possédant une science du combat aérien presque instinctive,
Fonck était servi par des qualités physiques et morales tout à fait exceptionnelles
qu'il s'attachait méthodiquement à entretenir. Une acuité visuelle et
une habileté manœuvrière remarquables lui permettaient de maîtriser le
déroulement des combats qu'il savait engager avec un sens tactique développé.
Il pouvait placer une balle dans une pièce de dix centimes à 20 mètres
de distance. Tireur d'élite, il triomphe de la plupart de ses adversaires
en quelques courtes rafales sans jamais avoir été lui-même descendu ni
touché par un projectile. En dix mois, il va descendre 56 avions allemands
(victoires homologuées).
Le 5 mai 1918, Fonck est promu lieutenant. Quatre jours plus tard. Comme
pour remercier le grand commandement de cette marque de confiance, il
réalise ce que personne n'arrivera jamais à faire : abattre six avions
dans la même journée, le jour de l'Ascension (voir encadré).
Un sextuplé qui lui vaut d'être promu Officier de la Légion d'honneur.
Il n'avait utilisé que 52 cartouches soit moins de neuf balles par avion
! Triplés, doublés se succèdent rapidement. Tellement vite que Fonck établit
le record de vitesse par avion descendu : trois avions en dix secondes
! Les débris de ces trois appareils gisaient à moins de 400 mètres les
uns des autres. Le 26 septembre, il renouvelle son exploit en balayant
six avions le même jour.
Le 5 octobre, ayant appris la disparition de son ami te lieutenant Roland
Garros,
il le venge en abattant trois appareils ennemis. Il parachève son tableau
de chasse le 1er novembre en signant sa 75ème victoire homologuée, victoires
auxquelles il conviendrait d'en rajouter 51 autres (avions tombés dans
les lignes ennemies et qui n'ont pu être homologués). Ce qui ferait 126
environ. Le 11 Novembre 1918, il est nommé capitaine. Ses 27 citations
dont 25 à l'ordre de l'Armée brillent le long de sa poitrine sur sa Croix
de guerre démesurément longue. Le 14 Juillet 1919, il a l'insigne honneur
d'être le porte-drapeau de l'aviation française au défilé triomphal de
la Victoire.
En juin 1920, il est fait Commandeur de la Légion d'Honneur.
Le colonel Fonck décédera à 58 ans, le 18 juin 1953. Il repose dans son
village natal (Saulcy-sur-Meurthe) près de St-Dié.
Auteur : Jean Séguineau de Préval
Bibliographie :
- "Les grandes figures de l'aviation"
- Jean Gisclon
: "un remarquable pilote et un tireur d'élite nommé René Fonck"
("pionniers" n° 76 - 1983).
- "tireur délite, Mach I, n° 55-56 1980
- Asp Le Floch "les as de l'aviation" Le Magister 709, n° 23.
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